Bon! Je me suis lancé dans cette petite histoire sans trop savoir où elle allait me mener, mais avec du recul, je suis assez content du style, alors, je la partage avec vous. C'est une histoire de science-fiction qui va jouer sur le thème de la régression; elle sera assez longue, comme vous allez le voir.
Attention, si le début est "gentillet", l'histoire va probablement basculer par la suite dans un style plus sombre et traiter de thèmes adultes. Et, à la Long_rifle, il est bien possible que la fin ne soit pas un happy end... Vous êtes prévenus, maintenant, enjoy! La chimie de la jeunesse
Première partie
Dans son appartement chaleureusement éclairé, Suzanne terminait de préparer ses affaires. Son sac s'emplissait graduellement de ses vêtements de rechange et de divers produits d'hygiène. Même en sachant qu'elle partait pour moins de 24h, elle ne pouvait s'empêcher de faire ainsi ses bagages: après tout, on ne savait jamais ce qu'il pouvait arriver, pas vrai? Elle vérifia que rien ne manquait à l'appel, puis elle ferma son sac délicatement, pour ne pas froisser ses affaires.
Elle le prit et le plaça en bandoulière sur son épaule, puis quitta sa chambre et se dirigea vers le couloir d'entrée. Avant de quitter l'appartement, elle se regarda une dernière fois dans le miroir. Elle se trouvait belle, bien habillée, mais elle ne pouvait pas s'empêcher de regarder d'un œil torve les quelques rides minuscules qui s'étalaient sur les côtés de ses yeux. Avec un soupir, elle rouvrit son sac, prit un petit nécessaire de maquillage, et dissimula les disgracieuses rides sous une légère couche de fond de teint. Elle remit toutes les affaires en place, puis, avant de repartir, se tourna pour vérifier dans le miroir si elle était bien habillée. Même à travers sa jupe, elle ne semblait voir que ses fesses, qu'elle trouvait trop grosses et molles. Elle soupira de nouveau.
"Arrête de t'en faire", pensa-t-elle, "après ton petit voyage d'aujourd'hui, tous ces soucis seront du passé!" Elle empoigna à nouveau son sac, et se dirigea vers la sortie. La porte s'ouvrit devant elle automatiquement, et Suzanne ne ralentit même pas son allure au moment de franchir le perron. La porte se referma derrière elle. Une soudaine prise de conscience lui rappela un détail; elle se retourna et cria à la volée, dans le couloir d'entrée: "Lumières éteintes!". Aussitôt, toutes les lumières du couloir s'éteignirent à l'unisson. Avec un sourire, elle se dirigea vers l'ascenseur, qui l'amènerait directement au métro, qui lui-même l'amènerait à son rendez-vous.
Dans les cités riches de l'Europe du vingt-troisième siècle, il faisait bon vivre. La découvertes de nouvelles énergies non-polluantes et de systèmes de recyclages d'une efficacité redoutables avaient considérablement changé la planète, qui était pourtant dans un si mauvais état quelques siècles auparavant. On avait mis mis au point des machines sophistiquées qui réduisirent la pollution sur la Terre, rebouchèrent le trou dans la couche d'ozone, et plus encore. Les villes ne produisaient plus qu'un centième des déchets d'autrefois, tout en offrant un confort matériel plus important. Et, chaque année, de nouvelles espèces d'animaux étaient génétiquement ramenées à la vie, commençant à contre-carrer les terribles extinctions des siècles précédents. Aussi étrange que cela puisse paraître, l'homme avait réussi à "terraformer" la Terre elle-même! Et la vie, du moins celle dans les grandes villes riches et prospères, était plus douce et plus libre qu'autrefois.
Le plus grand progrès de la génétique, ces derniers décennies, fut la mise au point de traitements permettant littéralement de régénérer son corps, d'en améliorer la santé, et même de "rajeunir" jusqu'à redevenir un jeune adulte. Grâce à ces traitements, aujourd'hui abordables par n'importe qui, on vivait plus longtemps qu'avant, tout en gardant un corps qui restait toujours celui de ses vingt ans. Et c'était justement pour cela que Suzanne avait rendez-vous aujourd'hui: elle allait expérimenter sa première cure de rejuvénation, accompagnée de son nouveau petit ami, Simon. Si l'on considère qu'ils avaient tous les deux 28 ans, c'était même assez tard pour une première cure.
Finalement, le métro public arriva à l'arrêt où Suzanne devait descendre. Elle grimpa rapidement les escaliers pour se retrouver à l'air libre, dans un parc aménagé du centre-ville. Ses yeux perçants scrutèrent le parc à la recherche de son ami, qui ne sans doute être déjà sur place. Elle savait qu'il arrivait toujours un peu en avance, et elle toujours un peu en retard. Un sourire traversa son visage quand elle remarqua enfin la tignasse blonde de Simon, assis sur un banc, qui regardait ailleurs. Elle lui fit des grands signes demain pour qu'il la remarque. Aussitôt, il se leva, et approcha d'elle en souriant, un bouquet de fleurs à la main. Les yeux de Suzanne s'illuminèrent de joie.
"Salut mon poussin, dit Simon. Je t'ai apporté un petit quelque chose...
- Oh, Simon, répondit Suzanne, tu es complètement fou! Ces fleurs valent une fortune! Tu n'aurais pas dû.
- Rien n'est trop beau pour ma Suzie. Bon alors, j'ai droit à mon bisou?"
Elle repoussa délicatement la main de Simon qui tenait le bouquet, et ils s'embrassèrent tous les deux longuement, Suzanne passant tendrement sa main dans la tignasse de son petit ami. Quand leur étreinte prit fin, elle prit délicatement le bouquet en main et respira un grand coup. Ces fleurs étaient d'une variété peu commune, et conservaient leur parfum exquis pendant des semaines après avoir été coupées. Elle sourit à la dégustation de ce parfum si rare.
"Merci, mon amour. Elles sont vraiment magnifiques.
- Hé, répondit-il, c'est pas un jour ordinaire, aujourd'hui, alors je tenais à marquer le coup. Tu es prête pour le grand saut?
- Oh oui, ne m'en parle pas! Je me suis regardée dans le miroir avant de venir, je me demande encore comment j'ai pu supporter toutes ces rides pendant toutes ces années!"
En vérité, les rides de Suzanne étaient minuscules et pratiquement invisibles avec un peu de maquillage. Elle n'avait pas la trentaine, elle était loin d'être une grand-mère! Son obsession de la beauté pourrait porter à sourire, mais c'était un trait de caractère qui avait trouvé sa place dans la société contemporaine. Après tout, pourquoi devenir vieux et laid quand on pouvait rester éternellement jeune et beau? La plupart des gens avaient bien compris cette vérité, et chez certains, cela s'était transformé en une attention démesurée envers les signes de vieillesse. Simon, qui n'avait pas ce genre de considérations, se contenta de rire très légèrement.
"Oh, tu exagères. Je t'ai trouvé belle même avec tes rides, moi.
- Oui, je sais... Mais tout de même!
- Allez, cesse de t'énerver pour rien. Après ce traitement, on pourra repartir sur un nouveau pied, toi et moi. Et on rattrapera toutes ces années perdues."
Suzanne rougit légèrement. Elle n'avait pas été très chanceuse dans ses amours auparavant, et, avec du recul, elle avait gâché toute son adolescence avec des imbéciles égoïstes. Aujourd'hui qu'elle avait enfin découvert l'amour de sa vie, elle désirait plus que tout recommencer à zéro, et profiter à nouveau de sa vie d'adolescente avec lui.
Avec un dernier baiser, ils se mirent en route, main dans la main. La clinique de rejuvénation n'était qu'à quelques centaines de mètre du parc. Le bâtiment était imposant, blanc et tout en rondeurs. Quelques affiches montrant des jeunes gens souriants faisaient la promotion des nouveaux traitements de rejuvénation, mais elles n'arrivaient pas à gommer l'étrange sensation d'être devant un hôpital gigantesque. Les portes s'ouvrirent automatiquement devant eux, et ils entrèrent tandis qu'une petite voix informatique leur souhaitait la bienvenue en six langues.
Suzanne et Simon se dirigèrent vers l'accueil, où régnait une certaine agitation. Une très belle fille, métisse, habillée d'un magnifique tailleur bleu marine, se tourna vers eux et les accueillit chaleureusement.
"Bienvenue à la Clinique de Rejuvénation Saint-André, je m'appelle Clarence. Que puis-je faire pour renseigner?
- Bonjour Clarence, répondit Simon, visiblement amusé par la phrase répétée à l'évidence des milliers de fois. Nous avions pris rendez-vous pour une première cure, aujourd'hui, à 11h30. Nous avons passé les tests de compatibilité il y a deux semaines.
- Certainement, monsieur. Puis-je vous demander vos noms?
- Simon Bellard. Et mon amie s'appelle Suzanne Ambor.
- Un instant, je vous prie."
A la grande surprise des deux tourtereaux, Clarence ne se mit pas à regarder son écran d'ordinateur comme n'importe quelle réceptionniste le ferait, mais sortit de son comptoir une grosse liasse de feuilles, qu'elle se mit à éplucher soigneusement du regard. Au bout de quelques secondes, elle releva les yeux et reprit son sourire chaleureux.
"En effet, monsieur, vous avez rendez-vous chez nous. Je suis au regret toutefois de vous annoncer qu'il y aura sans doute un léger retard pour votre traitement.
- Ha bon? répondit Suzanne. Et pourquoi ça?
- Notre système informatique connaît des difficultés, avoua Clarence. Cela n'affecte que l'accueil, fort heureusement, mais nous sommes obligés de traiter tous les rendez-vous à la main, ce qui cause un peu de retard. Je suis désolée de la gène occasionnée.
- Oh, dit Simon, je comprends. Ne vous excusez pas, ce n'est pas de votre faute.
- C'est pour cette même raison que vous devrez remplir ces dossiers d'admission à la main. Nous ne sommes pas en mesure de le faire électroniquement."
Elle sortit de son bureau deux liasses de feuilles accrochées chacune à une planche en plastique transparent, et les tendit vers les deux clients, accompagné de deux stylos.
"Cela ne prendra que quelques minutes, mais cette formalité est obligatoire. Vous pouvez vous installer dans la salle d'attente pour remplir ces questionnaires. Je reste à votre disposition si vous avez d'autres questions."
Avec un remerciement, Suzanne et Simon se dirigèrent vers la salle d'attente, où plusieurs autres personnes étaient déjà plongées dans la rédaction de leur dossier. Il y avait au moins cinq pages à remplir, mais tout était suffisamment bien expliqué, et aucune question ne leur vint à l'esprit. Ils se mirent au travail.
Après quelques minutes, Simon releva la tête, l'air contrarié. Il demanda à Suzanne:
"Comment je suis censé savoir mon marquage génétique? Et mon groupe sanguin? Je ne connais pas tout ça par cœur, moi.
- Utilise ta fiche santé, petit malin, tout est inscrit là-dedans! Tu n'as qu'à recopier.
- Oh! C'est juste. J'avais oublié."
Simon retroussa la manche gauche de sa chemise, révélant un bracelet à écran tactile qui recouvrait son poignet. Avatar moderne de nos téléphones portables, ce mini-ordinateur contenait une grande quantité d'information personnelles, ainsi que la possibilité d'accéder à tous les médias d'information, et même de payer comme avec une carte de crédit. Tout le monde en possédait un désormais. Il tripota dans les menus quelques secondes, et finit par trouver son fichier santé intégré. Il commença à recopier consciencieusement toutes les informations sur les petites cases du papier imprimé.
Après une dizaine de minutes, les deux avaient fini. Ils apportèrent leurs dossiers complétés à l'accueil, où Clarence les reçut avec son habituel sourire.
"C'est parfait, monsieur-dame. Ma collègue va vous escorter jusqu'à la salle de préparation, au troisième étage, où vous pourrez recevoir votre traitement. Je vous souhaite un agréable séjour entre nos murs!"
Une jeune blonde, habillée comme Clarence, fit signe aux deux amoureux de la suivre. Ils prirent leurs sacs, puis se prirent par la main et se regardèrent tendrement. Ça y est, ils allaient enfin avoir cette cure dont ils rêvaient. Et leur vie allait pouvoir commencer.
A l'accueil, Clarence classa leurs dossiers sur une petite pile. Cette panne informatique était vraiment une plaie pour elle, il leur fallait des coursiers pour transmettre tous les dossiers aux bons services. Et, à propos de coursier, elle sentit une présence derrière elle. Elle se retourna pour lui adresser la parole, mais un hoquet de surprise l'empêcha de s'exprimer. Devant elle se tenait une belle femme, grande, aux cheveux courts et noirs, qui portait nonchalamment une blouse blanche. Se reprenant, Clarence demanda à l'intruse:
"Dr. Maya! Je ne m'attendais pas à vous voir ici, vous m'avez prise par surprise.
- Oui, je sais, l'interrompit le docteur. On me voit rarement en-dehors des labos, n'est-ce pas?
- Que... que puis-je faire pour vous aider?
- Hé bien, reprit lentement la dame, votre panne informatique paralyse également notre service. Nous n'avons pas reçus de dossiers à analyser. Aussi, je viens voir si vous n'avez rien d'intéressant pour nous aujourd'hui.
- Heu... hésita Clarence. Nous avons reçus des dossiers d'admissions, oui, bien sûr. Mais je pensais que c'était l'ordinateur qui faisait le tri. Allez-vous... ?
- Aucun problème là-dessus. C'est moi qui ait rédigé les critères d'admission, croyez-moi, je les connaît par cœur. Si vous vouliez bien me donner ces dossiers, je pourrais vérifier par moi-même?
- Oui... oui, bien sûr. Tenez, docteur."
Elle tendit la pile de dossiers en cours de traitement. Le Dr. Maya les prit d'une main vive, et commença à les feuilleter. Ses yeux filaient d'un endroit à l'autre des pages, lisant visiblement toujours les mêmes lignes sur les dossiers. A chaque réponse négative, elle laissait retomber les feuilles de papier sur le bureau, tandis que Clarence s'évertuait à les remettre en piles bien droites. Après quelques minutes de recherches infructueuses, les yeux du docteur s'écarquillèrent enfin. Elle rapprocha la feuille de son visage, et commença à l'ire l'intégralité du dossier avec attention. Au bout d'une minute de silence gênant, un sourire presque sinistre se fendit sur son visage.
"Nous avons un gagnant! dit-elle. Il correspond à tous les critères. Quelle chance j'ai eu de venir, nous l'aurions raté sans ça...
- V... vraiment? hésita Clarence.
- Oui, une fois la cure finie, nous ne l'aurions pas revu avant des années. Nous allons l'attraper juste avant qu'il ne commence son traitement. Bien, faites le nécessaire pour transférer monsieur Simon Bellard à notre service, voulez-vous?
- Bien, docteur."
Le Dr. Maya s'éloigna guillerettement en direction des ascenseurs, chantonnant de plaisir entre ses dents. Derrière son bureau, Clarence était effondrée. Elle savait ce qui attendait le jeune homme, maintenant qu'il avait été intégré de force au projet de recherche de la clinique. Elle savait aussi que ces recherches étaient secrètes, et que sa simple mention lui vaudrait bien plus qu'un simple renvoi. Avec un frisson, elle s'apprêta à appeler un infirmier pour transférer Simon au sous-sol.
"Pauvre gars, pensa-t-elle. Et pauvre fille, aussi. Ils avaient l'air si heureux tous les deux. Ils ne méritaient vraiment pas cela..."